La renonciation du vendeur au bénéfice d’une servitude de passage n’est pas opposable à l’acquéreur
La renonciation du vendeur au bénéfice d’une servitude de passage n’est pas opposable à l’acquéreur
L’acquéreur d’une parcelle enclavée ne peut se voir refuser le bénéfice d’une servitude légale de passage au motif que son vendeur a renoncé au droit de passage qui lui avait été consenti. Une telle renonciation ne peut avoir qu’un effet relatif strict (Civ. 3e, 24 oct. 2019, n° 18-20.119).
Un propriétaire a procédé à la division de son fonds en six parcelles et en a transféré la propriété à trois propriétaires différents. L’un d’eux a volontairement enclavé ses parcelles moyennant rémunération, en renonçant conventionnellement au bénéfice de la servitude légale de passage grevant les autres parcelles, que le propriétaire à l’origine de la division lui avait consentie.
Le propriétaire des parcelles enclavées les cède à un acquéreur, qui se heurte ainsi à l’impossibilité d’accéder à son domicile avec un véhicule automobile. Cela étant, ce dernier assigne les deux autres propriétaires des parcelles issues de la division, aux fins d’obtenir, à titre principal, un passage sur l’une des parcelles et, à titre subsidiaire, la désignation d’un expert chargé d’examiner la possibilité d’un éventuel passage par une autre parcelle.
L’effet relatif du contrat
Au visa de l’article 682 du code civil, qui consacre le droit de passage du propriétaire enclavé, et de l’article 684 du même code, qui précise qu’en cas d’enclavement résultant de la division d’un fonds, le passage ne peut être demandé que sur les terrains issus de cette division, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel. Elle affirme ainsi que « l’acquéreur d’une parcelle enclavée ne peut se voir opposer la renonciation d’un précédent propriétaire au bénéfice de la servitude légale de passage conventionnellement aménagée ».
Ce positionnement est conforme à l’article 1165 ancien du code civil, devenu 1199 au terme de l’ordonnance du 10 février 2016, selon lequel « les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes », sans pouvoir nuire aux tiers. Le propriétaire du fonds servant, à qui profite la renonciation du propriétaire du fonds dominant, doit ainsi garder à l’esprit que, malgré la force obligatoire de l’accord conclu, la renonciation cessera de produire ses effets lors de la revente du fonds dominant, ce qui lui donne finalement un caractère. En revanche, le propriétaire qui a lui-même renoncé au droit de passage ne peut en toute logique se prévaloir d’un état d’enclave qu’il a volontairement créé.